Refoules en douane
Douane Cambodge-Thaïlande – 28.10.2019
Au revoir Siem Reap. Ce matin c’est à notre tour de faire nos adieux au Bloom Garden Guesthouse (voir Siem Reap... Chapitre II ). Azam et Samir profiteront encore pour nous de la beauté et de la convivialité du lieu. Quant à Roland, il est l’heure pour lui d’endosser le rôle d’aventurier. Il prend place à bord d’Antares à côté de Mike. Je vais à l’arrière tenir compagnie à Lahana. En route pour la Thaïlande !
Pourquoi quitter le Cambodge alors que nos visas n’échoient que le 8 novembre, me direz-vous ? Une multitude de raisons guident ce choix. La première est que la Thaïlande durcit ses passages de douane terrestre à partir du 1ernovembre. Nous ne connaissons pas encore tous les tenants et aboutissants de cette nouvelle loi. Nous préférons mettre tous les atouts de notre côté afin de ne pas rester coincés sur sol cambodgien. La deuxième raison est que nous avons donné rendez-vous à nos copains YAKA dans quelques jours. La troisième, et peut-être actuellement celle qui nous motive le plus, est la plage ! Après l’ Iran et ses îles du Sud où le port du burkini est de mise, les expériences décevantes de Sihanoukville , puis de Kep , nous jubilons à l’idée de nous poser sur un lit de sable blanc, face à la mer, et surtout de se baigner, ce qui n’est pas arrivé depuis… Begonvil en Turquie ! C’était en juillet 2018 !
Le trajet se déroule sans problèmes jusqu’à la frontière d’O Smach. Les routes sont bien meilleures qu’au Sud du pays et nous roulons à allure normale. C’est un peu spécial de quitter le Cambodge par le Nord pour retourner ensuite dans le Sud de la Thaïlande mais c’est la frontière conseillée pour un passage sans encombre et en principe sans corruption. Souvenez-vous de notre arrivée dans le pays par le poste de Cham Yeam … Et pourtant…
A nouvelle douane, nouvelles embrouilles. Tout avait pourtant bien commencé. C’est la première fois que nos documents sont tamponnés aussi rapidement avec un temps record de 15 mn côté cambodgien. Aucun contrôle des véhicules n’est effectué. Ils récupèrent simplement les documents du Costum de Cham Yeam.
A 16h30, nous nous présentons à l’immigration thaïlandaise. A première vue, aucun souci là non plus. Nous remplissons le formulaire TM.6 remis directement sur place avec les infos usuelles : nom, prénom, adresse permanente, adresse en Thaïlande, no de passeport, etc. Roland est avec nous et se plie aux mêmes formalités. Nous présentons les formulaires ainsi remplis et les passeports au guichet d’immigration. Ça dure un moment, puis finalement on nous remet les documents, passeports et visas validés et tamponnés en nous priant de bien vouloir nous rendre au guichet suivant pour les véhicules et les formulaires TM.2 que nous avons préalablement remplis.
Un des officiers se joint à nous pour voir camion et moto. Jusqu’ici tout va bien. Il ne monte pas à bord, mais vérifie juste le genre de véhicules que nous souhaitons temporairement importer dans le pays.
C’est à ce moment que les choses se gâtent… Alors que nous remettons au Costum l’ensemble des documents, un homme réapparaît. Il semble être l’officier en charge. Il nous convie dans son bureau. Ça sent les ennuis à plein nez ! Il nous tend les passeports ouverts à la page du visa et nous demande de quoi il s’agit. Nous nous penchons pour constater la chose et là… OUPS !!!!
Vous connaissez l’expression « vouloir se cacher dans un trou de souris » ? Il y parfois dans la vie de ces moments où ce genre d’étiquette vous colle à la peau. Et ça ne pouvait bien sûr arriver à personne d’autres qu’à moi, la gaffeuse de service. Void without prejudice , le fameux, voilà qu’il me saute aux yeux. C’est vrai que je l’ai complètement zappé celui-là… C’est sympa de me le rappeler après 500 kilomètres parcourus DANS LE VIDE ! Et Mike qui renchérit : « Comment est-ce que tu as pu rater un truc pareil ? » Ben oui, ben voilà… Ah et re-OUPS… Alors celui-là par contre, je ne l’avais pas vu venir : caché dans le pli du carnet, il y a un « denied ». A défaut de ne pas savoir ce que veut dire « void without prejudice », le terme « denied » est lui parfaitement clair !
Autant vous dire que malgré toute la gentillesse du monde, le brave officier n’a rien pu faire pour nous. De plus, nous sommes au-delà des heures ouvrables et les offices sont désormais fermés. Il nous est impossible d’atteindre l’ambassade de Thaïlande à Phnom Penh ou tout autre office. Les options sont maigres. Nous pouvons entrer en Thaïlande sans visa par voie aérienne mais pas par voie terrestre, car nous avons atteints les quotas annuels autorisés.
- Nos regards et nos espoirs se portent sur Roland. Nous sollicitons son âme aventurière pour passer la frontière avec Antares et Lahana et de nous attendre de l’autre côté du poste de douane, le temps pour nous de prendre un vol le lendemain et de le rejoindre aussi vite que possible. Mais devant son air dépité, nous comprenons qu’il va falloir nous orienter vers l’option no 2 ;
- Il faut retourner à Phnom Penh et à l’ambassade de Thaïlande, comprendre les raisons du refus, et si possible refaire une demande. Question aventure, le pauvre Roland est servi dans un cas comme dans l’autre !
Et comme jamais rien n’est simple, il nous faut négocier l’annulation de nos tampons d’entrée thaïlandais et de sorties cambodgiennes dans le but d’éviter la refacturation d’un visa. En effet, à quelque chose malheur est bon : pour une fois, il nous reste des jours sur notre visa ! Les douaniers sont plutôt sympas face à cette situation inédite et obtempèrent sans rechigner. Il est finalement 19h30 à notre revalidation d’entrée au Cambodge.
Par contre, il n’est pas question pour Mike de perdre une journée. La plage nous passe une fois de plus sous le nez. C’est à se demander si elle veut de nous. Ni une, ni deux, le revoilà au volant de notre bolide pour 500 km de route. Les guichets ouvrent à 8h30, nous serons les premiers à l’ouverture ! Et lorsque Mike se montre résigné de la sorte, je sais que rien ni personne ne le fera changer d’avis, ni Roland qui tente désespérément de le raisonner, ni moi qui suit la grande responsable de cette situation ! Bien mal m’en prendrait de m’immiscer dans ses décisions actuellement… Je me fais aussi petite que possible et pars me cacher à l’arrière du véhicule avec Lahana. Mike a eu la délicatesse de ne pas me tenir rigueur de ma stupidité, je vais avoir celle de me tenir à carreau.
Mike consent toutefois à Roland une pause pour un repas avant de rebrousser chemin. Nous quittons O Smach à 21h. Nous comptabilisons déjà 2h30 de route et 3h30 de douane. Nous venons de renchérir la journée avec 8h de trajet supplémentaire au compteur. Il est environ 4h45 du matin lorsque nous rejoignons le centre-ville de Phnom Penh et notre ancienne place au Wat Botum Park . Il y a comme un air de déjà vu…
Nous sommes épuisés. Roland renonce à chercher un hôtel. Nous dormirons tous les trois dans le camion cette nuit. Il ne nous faudra de toute façon guère plus de quelques minutes pour tous nous assoupir profondément. Quelle drôle de première expérience pour notre ami ! S’il voulait découvrir notre quotidien de voyage, le voilà plongé au cœur même de l’action !
Mais pour l’heure, place au repos ! La nuit va être courte… Le réveil sonne à 8h !
