Arrivee a Teheran
Jour 1 / Arrivée en ville – 19.08.2018
Nous sommes particulièrement en retard avec notre route. La mi-août est passée et alors que nous devrions être aux portes de la Mongolie, nous venons à peine de passer la frontière iranienne. L’hiver approche déjà sur les hauts plateaux et nous ne souhaitons pas rester bloqués à cause des neiges. La question d’un nouvel itinéraire se pose depuis plusieurs jours. Nous allons nous renseigner sur les possibilités de couper à travers le Pakistan pour rejoindre l’Inde ou d’y aller via cargo en passant par Dubaï.
Nous avons repéré un petit parc, Aghaghia, près de Laleh Park et près de l’ambassade du Pakistan et allons essayer de nous parquer dans la rue du même nom.
Téhéran tient ses promesses et la circulation y est dense et difficile. Nous ne comprenons rien à la manière de conduire des Iraniens. Ils se parquent au milieu de la route, parfois en double fil, ne connaissent pas les présélections, font des marches arrière sur l’autoroute, roulent en sens inverse, brûlent les feux rouges. Quant aux piétons, ils zigzaguent à travers les voitures, ces dernières ne respectant ni feu, ni passages pour piétons.
Dans le chaos « made in Iran », il n’aura fallu qu’une traversée de ville pour comptabiliser notre premier accident. Alors que nous nous apprêtons à tourner dans la rue Aghaghia, une voiture parquée en double fil nous bloque la route. Nous la contournons et braquons à droite. C’est à cet instant, que le conducteur démarre et boum ! Antares ne souffre que d’une égratignure mais le parechoc de la voiture n’a pas supporter le contact des dix tonnes. Il a sale mine…
Le conducteur est un homme effectuant des courses taxi de type Uber (appelé Snapp en Iran) et ayant pour passager une Iranienne, Sarah, professeur d’anglais. Quelle aubaine dans notre malheur. On va pouvoir discuter. La police est appelée et à notre grand étonnement, entre poignées de mains et excuses, les deux Iraniens nous souhaitent la bienvenue dans leur pays. Aucune animosité de la part du conducteur qui, au contraire, se lance dans les explications de son futur voyage en Europe.
La police arrive : un homme tout sourire. Après un ou deux appels, l’histoire est réglée. Nous sommes contents d’avoir contracté la meilleure assurance. Il s’ensuit photos, rigolades et échanges de téléphones et de contacts… même avec le policier. Quelle drôle d’expérience !
L’histoire nous aura quand même pris quelques heures et nous arrivons devant une ambassade du Pakistan fermée. Nous en profitons pour trouver une place convenable pour Antares, sachant que le processus administratif nous prendra plusieurs jours, voire peut-être plusieurs semaines.
Nous sommes contents de notre emplacement. Aghaghia Park est magnifiquement entretenu, verdoyant et plein de fleurs. Il est gardienné par Hussein qui le chérit mieux que personne. Les gens viennent s’y promener, faire un brin de sport, se détendre ou se rafraîchir auprès de la fontaine.
Le soir venu, nous faisons la rencontre d’Hamid, un Iranien d’Abadan (ville à la frontière sud avec l’Irak) qui est de passage à Téhéran pour régler les affaires de sa maman récemment décédée. Nous partons nous promener à Laleh Park en sa compagnie et celle d’Amirreza avant de partager ensemble le repas du soir. Hamid nous offre l’hospitalité, histoire de se doucher et de se rafraîchir un peu avant de rentrer. La journée a été longue et nous sommes contents de nous coucher. C’est la première nuit dans le camion pour Amirreza.
Jour 2 / A la chasse aux ambassades – 20.08.2018
Ce matin, nous extirpons Amirreza de son sommeil. Il a l’air d’avoir apprécié la nuit au camion et en redemande même. C’est plutôt bon signe.
Pendant qu’il s’occupe de Lahana, nous nous sauvons pour l’ambassade du Pakistan (horaires dimanche à jeudi 9h00-12h00). Il faut descendre quelques marches depuis la rue pour accéder à la porte d’entrée de la section des visas. Il y a un portique de contrôle mais pas âme qui vive pour le gardienner. Une fois à l’intérieur du local, un homme au guichet nous fait signe d’approcher. Nous sommes donc reçus de suite malgré qu’une bonne douzaine de personnes patientent en salle. Après quelques explications sur la raison de notre venue, on nous explique qu’il n’est en soi pas un problème de transiter par le Pakistan. La première partie du voyage se fait sous escorte militaire jusqu’à Sukkur. Après on nous promet que nous allons tellement apprécier le pays qu’il nous sera difficile de le quitter ! Les demandes doivent cependant et en principe se faire dans le pays d’origine du voyageur. Mais ils acceptent d’étudier notre dossier.
Pour obtenir un visa de transit de 14 jours, on nous demande les documents suivants :
- une lettre d’invitation adressée à l'ambassade du Pakistan (à obtenir auprès de notre ambassade) ;
- le visa indien (à obtenir auprès de l’India Visa Application Centre) ;
- le formulaire de demande de visa (à obtenir auprès de l’ambassade du Pakistan ou à télécharger en ligne ) ;
- 3 photos passeport ;
- nos passeports ;
- une copie de notre passeport (y compris toutes les pages avec tampons douaniers et/ou visas étrangers) ;
- une copie de nos permis de conduire suisse et international ;
- une copie des cartes grises des véhicules.
La chasse aux ambassades est ouverte !
L’ambassade de Suisse à Téhéran est la plus grande en taille qu'il nous ait été donné de visiter jusqu'à présent. Deux joueurs aux couleurs de la Nati sont peints sur les murs qui l’entourent et le portail pour les véhicules présente la croix suisse : un clin d’œil sympathique à notre nation. Il y a une porte d’accès pour la section des visas et une autre pour la chancellerie (horaires dimanche à jeudi 8h00-12h00). C’est cette deuxième entrée que nous empruntons. Après quelques mots d’explication sur notre visite à la secrétaire, nous sommes reçus par le Chargé d'Affaires. Comme nous nous y attendions, il est en mesure de nous fournir la lettre d'invitation adressée à l'ambassade de l'Inde mais non celle adressée à l'ambassade du Pakistan, en accord avec les recommandations du DFAE, et ce malgré toute la bonne volonté du monde. Nous repasserons chercher et payer le document (4’000’000 rials) car nous n’avons pas suffisamment d’argent sur nous.
Prochaine étape : ambassade de l’Inde. La porte de l’ambassade est grande ouverte. Alors que nous rentrons dans le bâtiment, un homme arrive en courant et nous sommes de sortir. On essaie de lui expliquer la raison de notre venue mais il est plutôt désagréable. Il nous tend un bout de papier avec une adresse URL et nous dit que l’ambassade est fermée et qu’il faut faire notre demande en ligne. Après quoi il nous fait signe de nous en aller. D’abord surpris, puis perplexes, nous reprenons un taxi pour retourner au camion où nous rejoignons Amirreza.
A l’abri des arbres, dans le parc qui jouxte la place d’Antares, nous nous connectons au site de l’ambassade. Le formulaire pour la demande se fait en partie avec des menus déroulants à choix multiples. Or il y a des informations que nous ne pouvons donner, comme celle de l’aéroport d’arrivée, et le programme n’accepte pas de non-réponse. Nous réalisons rapidement que la demande online n’est pas adaptée pour les personnes voyageant avec leur propre véhicule et passant les douanes par voie terrestre. Il nous faut retourner à l’ambassade pour trouver une solution. Le déplacement figurera au programme du lendemain.
Il est déjà tard. Hamid nous invite chez lui où nous mangeons tous ensemble. Après une bonne douche, nous retrouvons Antares pour la nuit.
Jour 3 / India Visa Application Centre – 21.08.2018
Nous profitons de la gentillesse d’Hamid pour faire quelques lessives chez lui ce matin avant de retourner à l’ambassade de l’Inde. Cette fois, Amirreza nous accompagne.
Devant l’ambassade, quelqu’un nous indique une autre porte. Il y a un registre à l’entrée et une dizaine de personnes qui attendent dans la salle. Nous nous asseyons un instant et essayons de nous informer. Un jeune Iranien nous explique que nous ne sommes pas du tout au bon endroit : il y a un centre spécifique qui s’occupe des visas pour l’ambassade de l’Inde, l’India Visa Application Centre. Il faut se rendre à l’adresse suivante :
1er étage, no 2, Anahita Alley, Africa Blvd
Horaires : dimanche à jeudi
9h00-12h30 (demande de visa)
16h00-16h30 (récupération des visas)
Une fois arrivés, nous tentons d’expliquer à la secrétaire notre problème. Elle ne nous laisse franchement pas placer un mot et nous répète quinze fois de faire notre demande en ligne. Exaspérée par notre refus d’obtempérer mais sans toutefois écouter ce que nous avons à dire, elle nous fait signe de la suivre et nous conduit à l’agence de voyage située sur le même palier et nous dit qu’ils vont s’occuper de nous.
Une fois de plus, nous expliquons notre problème : le formulaire en ligne n’est pas fait pour les voyageurs traversant la frontière par voie terrestre. Rien n’y fait. Nous avons l’impression de parler à un mur. "Il faut faire la demande en ligne, on va le faire pour vous". C’est à en perdre son latin.
Photo passeport... là aussi, c’est toute une histoire ! Il faut prendre connaissance de la liste des spécifications en ligne car elle est trop longue pour la lister ici. Autant dire que nos photos ne remplissent pas du tout leurs critères. Quel business ! Il est clair qu’à 400'000 rials la photo (environ CHF 7.-), ils font leurs affaires !
Ils sont trois à s’occuper de nous lorsque tout à coup, Euréka ! Quelqu’un vient finalement de comprendre notre problème ! Ni une, ni deux, on nous renvoie au centre des visas... et on explique à la secrétaire, en perse cette fois, que nous n’avons pas d’autres choix que de faire la demande par écrit. Alléluia ! Après une heure et demi d’attente, on nous écoute enfin !
On remplit les formulaires, à quoi bon, puisque la secrétaire passe près de trois quart d’heures avec chacun d’entre nous à nous faire épeler chaque mot qu’elle inscrit directement dans son ordinateur. Et puis vient le moment de la prise d’empreintes et du paiement 4'770'000 rials par visa (4'200'000 rials + frais de dossier).
C’est à ce moment-là qu’on nous informe que les visas ne seront prêts qu'onze jours plus tard... onze jours ! Et que pendant ce laps de temps, nous n’avons pas de passeport donc nous sommes dans l’impossibilité de sortir de Téhéran ! Quelle bonne blague ! Il est trop tard pour retourner à l’ambassade afin d’essayer de faire accélérer le processus. Nous abandonnons donc pour aujourd’hui.
Accompagné d’Amirreza, nous allons manger et nous promener à Laleh Park. Il va rentrer chez lui dans un moment et Mike souhaite lui laisser d’autres souvenirs que la course aux ambassades.
A la nuit tombée, Hamid nous rejoint au camion pour passer la soirée avec nous. Nous nous décidons pour une première visite en ville, celle de la Milad Tower. Elle est la plus grande tour d’Iran, et du haut de ses 435 mètres, elle est aussi la sixième plus haute tour autoportante du monde. Son dôme est constitué de douze étages contenant divers services aussi variés qu’observatoire, galerie, musée, restaurant et café. Et la vue sur Téhéran de nuit y est magnifique !
C’est aussi à cette occasion que nous rencontrons Enno, un jeune Allemand qui voyage seul. Il se joint à nous pour le repas du soir et nous nous engageons à nous revoir plus tard dans la semaine.