Pakistan

Sukkur et Multan

Carole

13 oct. 2018

Multan

Jour 5 / Quetta-Sukkur – 11.10.2018

Nous quittons Quetta et son brouhaha frénétique après les selfies d’usage. Dans le pêle-mêle de la rue, nous volons encore quelques clichés ici et là. Il est difficile de rendre compte en images de l’effervescence de la ville tant il y a de choses à voir : les chargements insolites, la diversité des véhicules animés des couleurs du truck-art, les marchands de rue et leurs étals multicolores, les femmes et leurs belles tenues brodées, des animaux en tout genre et finalement la ville qui s’éloigne gentiment avec les montagnes en fond de décor. Quel dépaysement !

Aujourd’hui commence la plus longue journée de notre escorte... avec 10h de route sans pause. Nous sortons du désert et le paysage change du tout au tout : rivières, arbres, palmiers, cultures, c’est magnifique. Nous prenons de l’altitude et passons les mines de charbons. Il aurait été agréable de pique-niquer au bord de l’eau ou de visiter les mines mais pas question de s’arrêter. Nos escortes s’enchaînent à un rythme effréné. Il n’y a plus de contrôles de nos papiers, donc plus de pauses. Entre les véhicules qui avancent à pas d’escargots et ceux que nous perdons de vue, il est difficile de trouver notre rythme de croisière. L’anonymat des soldats, qui se relaient tout à tour, pèse au fur et à mesure que la journée avance, nos estomacs vides et nos vessies pleines n’arrangeant pas les choses.

Nous faisons route vers le sud et ne comprenons pas notre itinéraire puisque notre destination se trouve être Lahore, à l’Est du pays. Nous suivons notre escorte, incrédules et tentons à une ou deux reprises d’interroger les soldats. La plupart ne parle malheureusement pas anglais et il est impossible de communiquer avec eux. De plus, et pour la sécurité des escortes, les soldats ne connaissent rien de nous, et encore moins de notre point de chute... Difficile alors de nous renseigner sur le tracé planifié pour nous !

Après 300 km, nous quittons la province du Baloutchistan pour celle du Sind. Nous sommes exténués. Mais à notre surprise, et malgré le crépuscule, nous poursuivons notre route. Notre parcours s’arrêtera aujourd’hui et en définitive 100 km plus loin, à Sukkur, où nous arrivons à 23h. A peine parqués, nous sommes accaparés par les gens locaux et les enfants. Épuisés, il nous faudra près d’une heure pour nous libérer des curieux et retrouver l’intimité de notre cellule. Il est trop tard pour cuisiner... c’est donc l’estomac vide que nous partons nous coucher. La nuit sera de courte durée puisqu’à 7h30 l’escorte viendra nous chercher pour poursuivre notre route.

 

Jour 6 / Sukkur-Multan – 12.10.2018

Toc, toc, toc... c’est au bruit du martèlement de la porte de la cellule que nous nous réveillons. Il est 7h et l’escorte est déjà là. « C’est un gag, ou quoi ? » Les soldats s’impatientent. Nous n’avons ni le temps de nous habiller, ni celui de déjeuner, ni celui même de préparer un pique-nique pour la route. Et Lahana... notre pauvre chaton passe ses journées enfermée et toute seule dans la cellule. Mike est de très mauvaise humeur et le fait bien ressentir aux soldats. Il traîne les pieds et leur fait comprendre qu’il donnera l’heure du départ quand il sera prêt et ça ne sera en tout cas pas avant 7h30 puisque telle était l’heure convenue la veille. On me jette un regard, je hausse les épaules et tourne les talons. Na !

Après quelques kilomètres seulement, dans le chaos de la circulation citadine, nous perdons de vue notre escorte qui avance sans se préoccuper du 10 t qui les suit à grand-peine et doit se frayer un chemin dans la densité inorganisée du trafic pakistanais. Mike me demande la route à suivre... ?!? Euh... « Par-là... ? » On repère alors un pick-up qu’on pense être notre escorte et on se met à le suivre. Après quelques minutes, le véhicule s’arrête et les soldats ont l’air franchement perturbés. A la vue du bus remplit de Japonais qui stoppe à son tour à notre hauteur, nous comprenons rapidement qu’il ne s’agit pas de notre escorte. Quelle bonne blague ! Et comme les soldats n’ont aucune information sur les véhicules qu’ils accompagnent, tout le monde se rend à l’évidence... notre escorte est perdue. La situation est plutôt cocasse et rigolote. Nous nous joignons donc au groupe de Japonais. Sans le savoir encore, notre journée va prendre une toute autre tournure que les jours précédents, car qui dit groupe, dit aussi pause pipi, pause miam et pause photos ! Un régal pour nous qui roulons maintenant non-stop depuis près d’une semaine !

Nous pouvons enfin régaler nos papilles de saveurs locales ;

Approcher de plus près les trucks pakistanais et autres véhicules embellis au truck-art et découvrir la finesse et l’élégance de leurs décors si particuliers, parfois taillés à même le bois ;

Et ma foi, disons-le aussi, soulager régulièrement notre vessie ! La route ne cesse de nous surprendre et nous nous émerveillons une fois de plus de ce spectacle unique mêlant rencontres insolites et scènes locales extraordinaires. 

Notre journée s’achève à Multan. Comme à l’accoutumée, une foule se presse autour d’Antares. Contrairement à la veille toutefois, et malgré la fatigue, nous nous plions volontiers au jeu des selfies et des questions. Lahana aussi s’adonne pour la première fois depuis plusieurs jours aux joies de la sortie en plein air sous le regard amusé des petits et des grands.

 

Jour 7 / Multan-Lahore – 13.10.2018

Au réveil de ce dernier jour d’escorte, la même foule de curieux se presse autour d’Antares. Les enfants, quant à eux, sont plus intéressés par Lahana qui se laisse facilement et fièrement caresser.

Avant de quitter Multan pour Lahore, les soldats ont promis de nous emmener voir différents mausolées parmi lesquels le Mausolée de Shah Rukn-e-Alam, qui se révèle être le plus impressionnant. Édifice du 14ème siècle ap. JC, haut de 35 m, il est constitué de briques rouges et de mosaïques bleues et blanches, et décoré avec des motifs géométriques et floraux. A l’intérieur, 72 tombeaux entourent la sépulture principale. 

C’est un cortège militaire qui nous accompagne. Ce n’est pas sans sourire que nous expérimentons le bodyguarding. Impossible de passer inaperçu avec notre garde rapprochée. Mais les faits ont leurs avantages : pas d’attente et pas de frais à l’entrée des mausolées. Nous sommes les seuls touristes européens en vue et la foule de pèlerins nous regarde étrangement.

Pour la première fois depuis notre arrivée dans le pays, la présence des femmes pakistanaise est très marquée sur le site. Elles sont toutes petites et m’arrivent à peine à l’épaule. Mais qu’est-ce qu’elles sont jolies dans leurs vêtements aux couleurs vives !

Au sommet de la Multan Art Gallery, nous profitons d’un joli panorama sur la ville et sur le mausolée.

Nous y avons même droit à une interview de la télévision 24 News HD. Les journalistes ont clairement sauté sur l’occasion de la présence si exceptionnelle de touristes européens sur le site pour improviser un petit reportage sur notre ressenti par rapport au Pakistan. Nous nous réjouissons de leur enthousiasme et nous nous prêtons au jeu, sous le regard toujours très attentif de nos gardes armés.

Après la visite du Mausolée de Bahauddin Zakariya, le père de Rukn-e-Alam...

... et celle du Mausolée de Shah Shams Sabzwari Tabrez...

... nous embrayons les quelques 350 km qui nous séparent encore de Lahore. En fin de journée et après sept jours d’accompagnement, l’escorte nous abandonne aux portes de la ville et c’est l’heure des retrouvailles avec notre ami Usman. Rencontré sur le bazar d’Istanbul et après seulement cinq minutes de discussion, il nous avait remis sa carte de visite, alors qu’à l’époque la traversée du Pakistan n’était même pas au programme de notre voyage. Aujourd’hui, sur un simple appel et sans rien connaître de nous, il prend congé pour nous recevoir et nous accueillir dans sa maison : une aubaine pour nous et une nouvelle expérience que nous nous réjouissons de vivre et de partager en sa présence et celle de sa femme !

En résumé, traverser un pays sous escorte, ça veut dire quoi ?

C’est une expérience très spéciale. Elle se fait par le biais des soldats ou des policiers. Leur nombre varie entre un et quatre. Seul, le soldat prend place à côté de Mike à bord d’Antares et je me vois contrainte de rejoindre Lahana dans la cellule. A deux ou à quatre, ils circulent devant nous en moto ou en pick-up. Ils sont armés bien entendus et nous imposent leur rythme. Le changement d’escorte se fait chaque vingt à huitante kilomètres, en principe sans halte, sauf si l’escorte suivante n’est pas à l’heure au point de rencontre ou s’il y a un contrôle des papiers d’identité. Les soldats ne parlent que très peu l’anglais, l’échange est donc très succinct. Les pauses pipi et miam sont quasi inexistantes. Selon l’escorte et l’état des routes, nous roulons entre 30 km/h et 100 km/h. C’est eux qui décident de l’heure à laquelle nous prenons la route le matin et l’endroit où nous allons passer la nuit, avec l’interdiction de quitter notre véhicule une fois parqué devant, en général, un poste de police ou d’officiers. C’est très contraignant et notre liberté est quasi nulle.

Si tout ça peut paraître assez déroutant, nous ne nous sentons jamais en danger. Les soldats sont hospitaliers et souriants, dans la mesure bien sûr de ce qu’ils sont en droit de nous apporter. Et par-dessus tout, ici, tout le monde aime les selfies ! Ils ne manquent pas une seule occasion de nous prendre en photo et surtout d’être pris en photo avec eux.

La durée de l’escorte varie en fonction des conditions locales au moment de la traversée du pays. En ce qui nous concerne, elle va de la frontière iranienne de Taftan jusqu’à Lahore en passant par Quetta, Sukkur et Multan. Autrement dit, elle nous accompagne pour la traversée du Baloutchistan, le long de la frontière avec l’Afghanistan, et à travers le Sind jusqu’au Pendjab.

Toutes ces informations, nous ne les avons bien sûr pas au moment où nous rentrons dans le pays et personne ne nous informe sur le processus. Nous allons le découvrir au fur et à mesure du voyage : une manière différente de voyager mais non pas sans intérêts !

 
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