Quarantaine ASQ
Un séjour pas comme les autres – 06-07.02.2021
Voyager, voyager masqué ohé ohé… Quelle drôle de sensation. Il n’y a pas âme qui vive à bord de ce boeing 777-300. 365 sièges dont seulement une soixantaine sont occupés, ça donne ça…
Le trajet se déroule sans encombre. Je suis seul et j’ai toute la place du monde pour moi. Qui n’en rêverait pas ! Seul inconvénient : le port du masque est obligatoire pendant toute la durée du vol, vous vous en doutez bien.
J’atterris à Bangkok à 7h45, heure locale avec près d’1h d’avance. Vous êtes tous en train de faire dodo. En Suisse, il n’est que 1h45. Voilà plus de 13 mois que je n’ai foulé le sol de l’aéroport de Suvarnabhumi et pour sûr, il était plus animé lorsque nous avons quitté le pays en décembre 2019 en pensant y revenir au printemps 2020. La vie est parfois pleine de surprises, mais notre voyage nous y a accoutumé. Qui aurait d’ailleurs pensé que je me retrouverais dans cette nouvelle aventure seul ?
Les commerces de l’aéroport sont fermés. Notre comité d’accueil se résume à une colonie de bonshommes et de bonnes femmes affublés de tenues de protection identiques : pantalon noir, robe chirurgicale bleue, gants médicaux blancs, masque et coiffe jetable verte ça tombe bien, dans quelques jours c’est Carnaval… On dirait qu’ils se sont donnés le mot
Après les contrôles médicaux d’usage, il est temps de prendre le taxi pour l’hôtel. Il n’est pas question de flâner ou de se relâcher. L’établissement de quarantaine ASQ a pour mission de récupérer séparément ses clients et de les conduire directement en cellule… euh pardon, sur le lieu de leur séjour ! Heureusement que le taxi est équipé d’une vitre et pas de barreaux car on s’y méprendrait presque !
A part les quelques Thaïlandais croisés entre mon arrivée à l’aéroport et ma chambre d’hôtel, leur sourire légendaire qu’on devine malgré tout sous leur masque, et la chaleur de l’été qui n’a rien à envier aux températures hivernales que je viens de quitter, je n’ai pas l’impression d’être arrivé en Asie. C’est une sensation plutôt surprenante. Ma chambre d’hôtel aussi trahit son pays. Elle pourrait tout aussi bien être située en Europe, que je n’y verrais aucune différence. Me voilà enfermé dans ce qui sera mon seul espace de vie pour ces prochains 15 jours.
Après ce long voyage, je vous tire ma révérence, mon lit m’attend impatiemment !
Quarantaine ASQ – 07-14.02.2021
Quelques heures plus tard, j’appréhende mon nouvel environnement et le lieu de ma quarantaine. Je vous présente The Idle Residence à Pathum Thani, à environ 3/4h de l’aéroport de Suvarnabhumi au Nord de Bangkok (photos copyright https://www.theidle-residence.com/)
Depuis l’apparition du virus et au fur et à mesure des restrictions, j’ai bien sûr et comme tant d’autres été plus d’une fois en isolement pour suspicion de Covid ou pour retour d’un pays à risque. Mais se retrouver 15 jours consécutifs enfermé dans une chambre sans aucun échappatoire, c’est une situation inédite et difficile à imaginer. Finalement, et par analogie, c’est comme se retrouver dans un établissement pénitentiaire avec totale privation de liberté, à la seule différence que j’ai le choix de la prison et de la cellule. C’est ainsi que j’ai opté pour cet hôtel et sa Junior Suite de 48 m2 avec chambre séparée, salon et kitchenette afin de me mouvoir dans la journée. Un autre critère important était la luminosité des pièces et la possibilité de sortir prendre l’air malgré tout, critères satisfaits ici par la présence d’immenses baies vitrées et d’un balcon. 55'000 THB (environ CHF 1'600.-) pour 15 nuitées avec pension complète, transfert depuis l’aéroport, abonnement Netflix et tests Covid inclus, ce n’est pas donné pour le pays mais ça reste raisonnable pour ne pas finir défenestrer avant la fin de la quinzaine, pris d’hystérie et de claustrophobie.
Je ne suis pas déçu du résultat. La chambre ressemble vraiment à celle de l’annonce. Le seul hic, pour ne pas le nommer, c’est la vue. Persuadé d’être côté piscine, mon orientation est en réalité opposée. Heureusement, je suis à l’écart de la ville et l’endroit est plutôt calme.
Épuisé, je me repose les premiers jours. Le cloisonnement n’est pas si compliqué puisqu’entre la fatigue et le décalage horaire, je dors énormément. Je suis par contre très déçu de la nourriture qui m’est apportée 3 fois par jour. Les rations sont très petites et la qualité n’est pas au rendez-vous : une espèce de métissage culinaire douteux entre Asie et Europe, avec des mets secs, sans sauces, agrémentés de riz matin, midi, soir et ce, malgré les commandes à la carte. Je complète le tout par quelques emplettes au 7elven du coin, une chaîne d’épicerie très connue des Thaïlandais, un service que l’hôtel propose moyennant une commission de 10% sur le montant de l’achat.
Mon quotidien change ensuite un peu. La télé et les jeux font gentiment place au télétravail pour occuper mes journées. Je m’insurge aussi contre cette nourriture dégueulasse. On finit par m’apporter ma première Tom Kha Gai (soupe à base de poulet, lait de coco, feuilles de citronnier kaffir, galanga, citronnelle, piment et coriandre). Enfin un peu de Thaïlande dans mon assiette !
Après quelques jours, je passe mon premier test Covid avec succès. A l’issue de mes résultats négatifs, la résidence me délivre un certificat « You are halfway there », une espèce de note d’encouragement de la part du service hôtelier pour la nouvelle semaine de confinement – un peu moins stricte – à venir.
Dernière ligne droite – 15-21.02.2021
Une nouvelle semaine commence et avec elle une petite délivrance : l’activité récréative ! J’ai le droit à une promenade à l’air libre de 45 mn plusieurs fois par jour, mais attention, dans l’enceinte de l’hôtel ! Haha… l’analogie carcérale se poursuit jusqu’à mes gardiens qui viennent me chercher en chambre et me ramènent après la promenade. Heureusement, je ne suis pas menotté et les sourires sont toujours bien présents derrière les masques
Je découvre aussi une autre facette à la crise. Le temps semble s’être arrêté avec la pandémie. La piscine est vide afin de ne pas tenter les touristes en quarantaine et le patio est à peine entretenu. Je ne m’attendais pas vraiment à cela. Il y a toutefois de la verdure et quelques mignonnes petites surprises au milieu des fleurs.
Je rencontre d’autres étrangers en isolement eux aussi, principalement des Suisses et je me rends compte que je suis plutôt bien loti par rapport à ceux qui n’ont ni suite, ni balcon ! Ils trouvent le temps bien long ! Alors pourquoi en passer par là ? Ils ne sont pas vraiment des touristes. La plupart se sont installés en Thaïlande de manière plus ou moins définitive et rentrent simplement chez eux.
Au jour 12 de mon isolement, je passe un ultime test Covid. Il sera décisif pour ma sortie de l’hôtel. Ça peut vous paraître fou mais croyez-le ou non, un Américain présent dans l’hôtel a été testé négatif au premier test et positif au deuxième. Pas de chance pour lui qui voit son confinement se prolonger de 10 jours et en hôpital de surcroit !
Et comme mon quotidien est tellement palpitant, je pimente un peu en m’éclatant le gros orteil 2 jours avant ma sortie avec un bel ongle en moins resté coincé dans le canapé du salon. Rien de tel pour avoir un peu de visite et des soins gratuits à domicile !
Et voilà, nous sommes le 22 février 2021. Mes résultats sont négatifs, je suis libre de m’en aller rejoindre Antares. 1 année, 1 mois et 22 jours de séparation… nous allons enfin être réunis !